• Morcelée

    [Perception, sensations (vue, ouïe, toucher, odorat, goût)]

    Un article basé sur le plaisir des sens, dans une situation vraie.

     

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    Morcelée

    Erik Satie - Gnossienne n°5

     

    Parfois, je vois le corps en morceaux. Je vois les parties indépendantes. Je sens le toucher, l'odeur, le goût.

    Je vois les détails, j'imagine et j'explore le corps de l'autre, en pensée et en sensations, je le découvre en imagination. Et c'est singulier, curieux, de ressentir les choses comme si elles se passaient vraiment. Un exemple.

     

     

    La tête.

     

    Il y a d'abord les cheveux, doux et blonds, et lisses et brillants. De loin. De près, fins, blancs, purs, réguliers. Par mèche : les doigts ressentent la texture de fils fins,c'est comme caresser les cheveux d'une poupée. Puis, il y a l'odeur : une odeur de cheveux secs, douce presque sucrée, comme une odeur d'amande.

    Puis il y a les yeux. Ils sont verts. Brillants. Un éclat s'en échappe quand la tête se lève. Profonds et veinés comme des neurones, ils subjuguent au point que les mots ne veulent pas sortir,ce sont une barrière au son. Puissant... Il y a aussi des traces de marron qui creusent l'abysse.

    Ensuite, viennent le nez, normal, et la bouche. Petite, rose, elle se meut tranquillement. Les lèvres un peu relevées pointent légèrement vers l'avant. Elles poussent la réflexion : si étroites... Là viennent les sensations, qui font entrer en scène l'imagination. On sent le souffle, léger et chaud. On voit les lèvres douces sans rainures, et elles embrassent. On les embrasse. C'est long et c'est lent. Le plaisir est perceptible, le goût aussi. Fermez les yeux et vous y êtes. Le frisson hérisse les poils.

    La peau vient après. Ce n'est que le support de l'information portée par les parties décrites plus haut. Elle est pleine, lisse et claire. Les joues sont rosées : le détail qui attendrit. Les petites tâches rouges n'ont point de contours, ils se fondent avec le support qu'est la peau, comme les pigments de l'aquarelle se fondent dans l'eau et l'eau dans les grains du papier. On peut sentir le toucher sur la peau. Elle est si douce... c'est une vraie « peau de bébé ». Les doigts ne se gênent pas et explorent, courent, effleurent, caressent, pressent, parcourent la surface ou ressentent le mou de la dimension. Le duvet non perceptible à l’œil seul et nu apparaît et se réveille : comme l'herbe haute aplatie par le vent qui se gonfle et se recourbe. Les doigts explorent et se rassurent, puis les paumes prennent les joues et se posent. On discerne la mâchoire en pente douce et les os sont à peine palpables sous la peau moelleuse. Le visage est devenu théâtre de notre recherche de plaisir.

     

    Le cou.

     

    Le cou, la sensualité par excellence. Le cou se tord, se penche, se courbe, se tend. Il a une odeur de cou : chaude, sombre, humaine. On peut enfouir notre visage dans son creux, le parcourir de haut en bas, de bas en haut, en faisant le tour, en diagonale, couché ou debout, les possibilités sont multiples. Mais le plaisir est le même : notre peau contre la sienne, une extrémité (de la bouche, du nez, de la peau) qui se connecte à une petite surface de son cou.

    Faisons-donc descendre le toucher.

     

    Les épaules, le thorax, la poitrine.

     

    Voici un champ vaste de surface et de reliefs, où la pensée peut s'aventurer librement et à sa guise. La matière reste la même, la peau.

     

    Le ventre.

     

    Le ventre est légèrement arrondi, petite colline pour notre toucher qui s'aventure. Il est percé du nombril, au centre, qui se referme sur lui-même à l'intérieur. Le ventre est un champ libre et intéressant, sur lequel on peut se reposer ou duquel on peut palper les reliefs et les courbes à peine dessinés. Le ventre bouge, sous le coup de la respiration : il se lève, il se couche. Régulièrement. Avec fluidité. Parfait pour se reposer.

     

    Les courbes.

     

    Les courbes, quel plaisir pour les sens. La vue, le toucher. En particulier. Les courbes sont tellement naturelles, parfaites sur les contours, creux harmonieux. Les courbes sont des paradis pour les mains, entières, qui n'hésitent pas à se nicher au milieu, à en défaire les contours qui se reforment toujours. Les courbes du corps sont les reliefs les plus expressifs. Les courbes du corps sont merveilleuses, elles font penser au tout, à ce qui est complet, à la complexité. Elles finissent très bien le corps. La vue s'en délecte, comme elles cassent la justesse de la droiture.

     

    Le corps tout entier.

     

    Le corps tout entier est un plaisir aux cinq sens. Tous y trouvent leur compte, de quelque façon que ce soit. Le corps est parfait pour expérimenter une singularité de sensations et perceptions. Mais, parfois, je vois le corps en morceaux.

     

     

    Morcelée

     21/01/2015


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